Rose est malade

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Hier, la journée fut triste. Rose est malade. Malade de la tristesse qui la ronge. De ses peurs qui l’empêchent d’agir. Malade de ne supporter la moindre frustration telle une petite fille qu’elle est un peu restée. Rose ne rêve pas d’ors, ni de richesses matérielles ; elle rêve d’une vie simple à la campagne. Rose rêve du bonheur comme une cime qu’il faut atteindre et non comme la conséquence de la réalisation de soi. Mais Rose a peur, d’une peur profonde et d’origine lointaine. Peur d’échouer et d’être dans le besoin. Et c’est son corps qui a réagi à ses maux. Il y a  quelques semaines Rose a appris qu’elle a un cancer. Et elle a choisi de s’isoler davantage. Puisqu’elle n’arrivait pas à décider de sa vie, alors il lui fallait un coupable. Ce coupable idéal, c’était moi.

Je suis parti tôt ce matin. Je traversai le pays à la recherche de Rose. Je savais ce rendez-vous improbable. Rose était fâchée. Et elle souhaitait faire disparaître la moindre trace de moi. Quitte à s’annihiler  elle-même avec mes dernières encres. A moins que ce ne soit moi qui m’efface derrière mon inaccessible et absolu désir de Rose.  Je m’accrochais à mon personnage comme si ma propre existence était désormais entre ses mains. Je ne sais plus, j’ai perdu mes repères. Et Rose, que je crois née de mon imagination, est maintenant l’amour d’une vie. Oui je crois… Et Rose est en danger, et Rose souhaite décider de son destin. Seule !

Je descendais du train. Le temps au dehors était maussade. De fortes pluies étaient annoncées pour la journée. En quête de mon chemin, j’accostais les gens au milieu de la gare routière. Je voulais retrouver Rose au centre de traitement du cancer où elle devait guérir son mal. J’étais désormais trempé mais là n’était pas l’essentiel. Ayant sans doute pitié de moi, un vieux monsieur se proposa de m’accompagner. Sa gentillesse était une aubaine, et elle me permit d’arriver tôt. Rose ne m’attendait pas. Vraiment pas. Je me renseignais et j’appris que son traitement ne débutait que le lendemain. J’en voulu à mon imagination qui décidemment se rebellait contre moi. Je lui en voulais de ce rendez-vous manqué. Mon imagination ou peut-être la réalité. Je doutais désormais de ma propre existence…

Il pleuvait dru à présent. Et l’eau glacée sur ma peau et le coton mouillé éloignaient mes doutes pour un moment. Je ne rêvais pas. Je repartais vers son domicile, à pied. Il devait bien avoir une vingtaine de kilomètres à parcourir. L’important, c’était Rose, rien que rose. Le froid n’était rien. J’avais bien failli mourir pour elle quelques mois auparavant…

Une voiture s’arrêta, puis une autre, puis une autre comme si elles s’étaient donné le mot, solidaires, pour m’emmener au rendez-vous. Le trajet fut plus facile que Zeus semblait l’avoir décidé. Je devais faire de la peine avec mon pantalon assombri par les masses d’eau absorbées. Je me retrouvais ainsi, peu séduisant, derrière le portail de Rose. Je l’appelais mais elle semblait absente. J’attendais donc, mes os se glaçant et mes vêtements ne pouvant plus éponger la pluie incessante.

Une heure plus tard, un taxi déposait Rose au bout de la rue. Elle fut surprise de me voir. L’échange fut bref. Elle avait regroupé tout ce qui lui venait de moi et me demandait de le reprendre. Je refusais. Mon récit ne pouvait s’arrêter ainsi. Je mis rapidement des vêtements secs à l’abri du mauvais temps et repris la route, piteusement. Les éclairs s’étaient ajoutés à la fête.

Mon héroïne me repoussait. J’étais abattu. Mais je la savais vivante.

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